Question :
Comment comprendre les terminologies « les dieux » et « l'enfer » citées dans cette vidéo si ce n'est pas la définition selon la compréhension judéo-chrétienne ?
Réponse
Quand on ouvre un dictionnaire Japonais-Français au mot « jigoku » (地獄), il est traduit par « enfer ». Comme dans le christianisme, c’est un lieu où l’on va après la mort. Là s’arrête les similitudes, à part que dans les deux cas se sont des lieux de souffrance. Car les notions d'enfer dans le bouddhisme et le christianisme sont des concepts totalement différents !
Les différents termes employés dans la Bible pour l’Enfer sont Shéol, Hadès, la géhenne, l’étang de feu. Le ciel est défini par les mots paradis et le sein d’Abraham,
Shéol apparait dans les Écritures hébraïques et signifie « le lieu des morts ». Hadès est un terme grec employé dans le nouveau testament et signifie également « le lieu des morts ». Le terme grec gehenna, dérivé de l’hébreu hinnom, est également employé dans le Nouveau Testament pour « l’enfer ».
Dans le christianisme, ce qui détermine la chute en enfer est la non croyance en Dieu. On peut trouver les catégories suivantes :
Les personnes qui ont reconnu l'existence de Dieu et ont cru en lui avant leur mort vont au paradis.
Les personnes qui ne croyaient pas en l'existence de Dieu avant leur mort (elles n'étaient pas chrétiennes), mais qui ont reconnu l'existence de Dieu après leur mort, vont au Hadès.
La Géhenne est réservée à ceux qui non seulement n'ont pas cru en l'existence de Dieu durant leur vie, mais ont aussi commis des péchés en faisant des choses qui allaient à l'encontre de la volonté de Dieu.
La plus grande différence idéologique entre le bouddhisme et le christianisme est que l'idée de réincarnation est absente du christianisme.
Le christianisme, qui expose une vision dualiste du corps et de l’esprit, croit fondamentalement que l'âme d'une personne décédée est appelée directement auprès de Dieu.
La décision de savoir dans quel monde une personne ira après sa mort n'est pas réversible une fois qu'elle a été prise (par Dieu).
En d'autres termes, une fois que Dieu a décidé qu'une personne ira au paradis, elle ne tombera pas en enfer, mais bien sûr, l'inverse est également vrai.
Une fois qu'une personne a été condamnée à l'enfer, elle ne pourra jamais aller au paradis, quel que soit son degré de repentir.
Encore une fois, il est clair que la religion chrétienne ne tient aucun compte de la Loi de causalité.
Le bouddhisme, par contre, affirme qu'après la mort, les êtres humains se réincarnent dans six mondes de souffrance, appelés les six voies : enfer, esprits affamés, animaux, ashuras, humains et cieux.
L'enfer est l'une de ces six voies et représente le monde le plus douloureux.
Il est considéré comme le monde où vont les personnes extrêmement mauvaises qui ont commis des péchés considérables au cours de leur vie.
Il existe plusieurs définitions de l’enfer dans les Écritures bouddhistes, toutefois, la plus commune est celle donnée par les huit grands enfers brûlants :
Les souffrances subies dans ces différents enfers sont progressives et décrites en détails dans ls sutras. La durée du séjour est interminable et également progressive. Toutefois, même l’enfer le plus dur, le plus long où les souffrances ne connaissent aucun répit, connaît une fin. Le méchant Devadatta, le propre cousin du Bouddha Shakyamuni, qui croupissait dans cet enfer sans intervalle pour avoir commis trois des cinq fautes cardinales (il avait tué une sainte, fait couler le sang du Bouddha et détruit l’harmonie de la congrégation), reçut son nom de Bouddha dans le futur de la part de Shakyamuni dans le Sutra du Lotus.
Quant au paradis des chrétiens, c’est un monde où Dieu réside et qui est basé sur sa loi.
Il est considéré comme un monde éternel où il n'y a ni chagrin ni souffrance.
C'est aussi un monde sans nuit, car il est éclairé par la lumière émanant de Dieu. Sur les images populaires, on y voit des petits enfants caressant des lions. Il faut croire que les lions croyaient en Dieu de leur vivant et sont devenus végétariens. On comprend ici que, dans sa vision dualiste du monde, le christianisme considère la nuit comme négative, puisqu’elle est absente du paradis et que, selon la Genèse, la création de la lumière fut l’une des premières œuvres de Dieu. Le bouddhisme, qui enseigne la non dualité des choses a bien compris que les deux étaient indissociables et aussi importantes l’une que l’autre.
D’ailleurs, la notion de ciel du Bouddhisme est plus complexe, même si la couleur dominante est le plaisir. Il existe ainsi six cieux du monde des désirs, six cieux du monde de la matière et quatre cieux du monde de l’esprit
Cieux des désirs (j. yokuten - 欲天) : six cieux rattachés au monde des désirs décrits dans le 8e fascicule du Kośa.
Ciel de la matière (j. shiki ten - 色天) : appelé également "monde de la matière" (j. shiki kai - 色界) et situé entre le ciel des désirs et le ciel de l’esprit, il est habité par des êtres sensitifs débarrassés de tout désir, entourés uniquement de matières pures et merveilleuses et se nourrissant de lumière. Ce ciel est composé de quatre terres (j. shi chi – 四地) :
Ciel de l’esprit (j. mushiki ten - 無色天) : situé au sommet du monde des cieux, il est uniquement spirituel. Il se répartit en quatre lieux :
Alors que, selon le christianisme, la foi en Dieu suffit à ce que l’âme monte au Paradis et que l’absence de foi condamne à la chute en enfer, selon le bouddhisme, il n’est pas nécessaire de pratiquer quoi que ce soit pour renaître dans le monde des cieux. Il suffit de pratiquer les dix bonnes actions qui consistent à éviter le meurtre, le vol, la fornication, le mensonge, la flatterie, la médisance, la duplicité, la cupidité, la colère et les vues erronées, mauvaises actions dont la forfaiture fait tomber en enfer, indépendamment de la foi en une quelconque religion.
De toute façon, malgré le caractère serein et joyeux de ces cieux, il ne faut pas oublier qu’ils font partie des six voies et sont donc transitoires et ne constituent pas le but de la pratique du bouddhisme qui est l’atteinte de la bouddhéité, un monde qui n’a rien à voir et que j’ai déjà décrit dans un chapitre précédent.