Question n° 2 - Sur la production conditionnée et le Gohonzon

Question

Peut-on, par rapport à la production conditionnée, considérer l'objet de vénération (le Gohonzon) comme la cause, celui qui s'éveille à cette cause comme la condition et le fait de garder (réciter) comme l'effet, tout en sachant que ; et la cause, et la condition et l'effet ne sont pas trois choses mais une seule entité ?

 

Réponse

Je ne pense pas qu’on puisse évaluer notre relation avec le Gohonzon sur la base de la production conditionnée. La production conditionnée est pour ainsi-dire le prémisse d’Une pensée trois mille et de sa matérialisation, le Gohonzon. La production conditionnée signifie que rien en ce monde, n’apparaît indépendamment d’autre chose. Elle représente l’aspect théorique de ce principe, tandis qu’Une pensée trois mille en est le caractère concret. La production conditionnée enseigne que nous ne voyons pas les montagnes parce qu’elles existent, mais qu’elles existent parce que nous les voyons. Autrement dit, les montagnes sont le reflet de notre cœur, tandis que selon Une pensée trois mille, notre cœur est les montagnes, il n’y a plus de différence, il y a non-dualité.

En fait, cette question interroge sur notre relation avec le Gohonzon et le Daimoku.

Dès qu’il mit en mouvement la roue du Dharma, le Bouddha Shakyamuni expliqua ce qu’était l’éveil et comment y parvenir.

Toutefois, ce n’est que plus de quarante années plus tard, qu’au seizième chapitre du Sutra du lotus, il révéla la cause, l’effet et le lieu véritables de sa bouddhéité. Or, nous aurons beau lire le Sutra du Lotus en long, en large et en travers, dans toutes les langues, jamais nous n’y décèlerons la cause, l’effet et le lieu de la bouddhéité. La raison est simple, c’est que nous sommes des humains ordinaires qui essayons de mettre un sens sur les mots, tandis que le sage, lui, explique les mots en fonction de leur signification.

C’est le Bouddha originel Nichiren Daishōnin qui, pour la première fois, révéla la cause, l’effet et le lieu de la bouddhéité, sous la forme des trois grands Dharmas ésotériques, enfouis au profond des phrases du seizième chapitre, Durée de la vie et c’est grâce aux grands Patriarches successifs qu’aujourd’hui, nous pouvons avoir connaissance de l’enseignement dans toute sa pureté.

Tout d’abord, Zhiyi, le grand maître du Tendai détermina dans son Sens mystérieux du Lotus, que la cause, l’effet et le lieux de la bouddhéité étaient pour la première fois réunis dans le chapitre Durée de la vie. C’est ce qu’il nomma les trois merveilles réunies (sanmyō gōron三妙合諭). Précisons que, jusqu’à ce chapitre, tous les disciples pensaient que Shakyamuni était devenu Bouddha pour la première fois en cette vie, sous l’arbre Bodhi après avoir pratiqué les austérités. Or, dans le 16ème chapitre, il réfute cette notion et révèle qu’il a toujours été Bouddha depuis le passé lointain (kuon jitsujō - 久遠実成), disant : « à l’origine, j’ai pratiqué les austérités de bodhisattva et la longévité que j’ai réalisée, [n’est pas même venue à son terme] » (Ga hon gyō bosatsu dō. Sho jō jumyō.  [Kon yū mijin] - 我本行菩薩 所成壽命。[今猶未盡。]). Zhiyi voit là la cause originelle de l’éveil du Bouddha dans le passé infini. Nichiren Daishōnin, lui, y voit le Daimoku de la doctrine originelle. La partie « à l’origine, j’ai pratiqué les austérités de bodhisattva » (Ga hon gyō bosatsu dō) représente la pratique du Daimoku, tandis que la partie « la longévité que j’ai réalisée » (Sho jō jumyō) se rapporte à la foi qui remplace la sagesse.

Voilà pour la cause ; ensuite, en ce qui concerne l’effet, le 16ème chapitre énonce un peu avant la phrase citée précédemment : « depuis que j’ai réalisé l’éveil, un temps fort long s’est écoulé » (ga jōbutsu irai. Jindai kuon - 我成佛已來。甚大久遠。).  Le grand maître du Tendai voit dans cette phrase la merveille de l’effet originel. Nichiren Daishōnin, lui, y voit le Gohonzon de la doctrine originelle.

Quant au lieu où demeure le Bouddha, le 16ème chapitre énonce : « j’ai toujours été dans ce monde de l’endurance à prêcher et convertir » (Ga jō zai shi. Shaba sekai. Sep'pō kyōke - 我常在此。娑婆世界。説法教化。). Tendai n’y voit non pas le monde de l’endurance du présent, mais le monde originel de l’endurance. Nichiren Daishōnin, lui, y voit le grand Sanctuaire (kaidan) de la doctrine originelle.

Voilà pour l’éveil du Bouddha, dans lequel, le Daimoku est la cause, le Gohonzon est l’effet et le Kaidan est le lieu. Qu’en est-il alors de l’éveil des êtres ordinaires ? Toujours dans le 16ème chapitre du Sutra du Lotus, le bon médecin (le Bouddha) voyant ses enfants malades après avoir absorbé du poison, leur dit : « Voici une appréciable et excellente potion. Je vous la laisse et la dépose ici. Vous devez la prendre et la boire. N’ayez crainte de ne point guérir ». (Ze kō rōyaku. Kon ru zaishi. Nyo ka shubuku. Mot'tsu fusai. - 是好良藥。今留在此。汝可取服。勿憂不差。)

Pour Nichiren Daishōnin, cette « appréciable et excellente potion » (Ze kō rōyaku - 是好良藥) est le Dai Gohonzon, « Je vous la laisse et la dépose ici » (Kon ru zaishi - 今留在此) désigne le lieu où est enchâssé le Dai Gohonzon, autrement dit le grand Sanctuaire de la doctrine originelle et « Vous devez la prendre et la boire » (Nyo ka shubuku - 汝可取服) représente le Daimoku où « prendre » désigne la foi, tandis que « boire » désigne la pratique de Daimoku.

A présent, voyons quelle doit être notre relation, notre attitude vis-à-vis de ces trois grands Dharmas ésotériques ?

Elle aussi est explicitée dans les stances Jiga du 16ème chapitre : « désirant de tout leur cœur voir le Bouddha, ils ne ménagent ni leur corps, ni leur vie. A ce moment, moi et les moines, ensembles apparaissons sur la montagne sacrée des aigles. (Is'shin yok’ken butsu. Fu jishaku shinmyō. Ji ga gyū shusō. Ku shutsu ryōjusen - 一心欲見佛。不自惜身命。時我及衆僧。倶出靈鷲山。).

“Désirant de tout leur cœur voir le Bouddha ils ne ménagent ni leur corps, ni leur vie » (Is'shin yok’ken butsu. Fu jishaku shinmyō) désigne le Daimoku de la doctrine originelle. « Désirer de tout son cœur » se rapporte à la foi, tandis que « ne ménager ni son corps ni sa vie » désigne la pratique. Nikken Shōnin disait : « Réciter Nam Myōhōrengekyō en désirant de tout son cœur voir le Bouddha » constitue la pratique où « la foi remplace la sagesse ». C’est dans cette manière de réciter Daimoku que notre cœur s’identifie au Gohonzon ».

« A ce moment, moi et les moines, ensembles apparaissons » (Ji ga gyū shusō. Ku shutsu). Dans cette phrase, qui désigne le Gohonzon, « moment » désigne la Fin du Dharma, « moi » désigne le souverain de la cause originelle, c’est-à-dire Nichiren Daishōnin, « les moines » désignent le trésor du moine. Quant à « ensembles apparaissons », Nikken Shōnin disait « cela signifie d’une part que tous les êtres des dix mondes se réunissent pour entendre le grand Dharma permettant d’accomplir la voie du Bouddha et, d’autre part, désigne Une pensée trois mille au sein de laquelle, les dix mondes sont mutuellement présents ».

Enfin, « la montagne sacrée des aigles » (ryōjusen) désigne le grand Sanctuaire de la doctrine originelle.

Fondamentalement, les trois grands Dharmas ésotériques sont le Dai Gohonzon, le Daimoku récité devant le Dai Gohonzon et le lieu où est enchâssé le Dai Gohonzon. Par extension, c’est également le temple où est enchâssé le Gohonzon, retranscription du Dai Gohonzon et où demeure le trésor du moine.

 

Si l’on est dans cette logique, alors notre propre demeure où est enchâssé le Gohonzon devient le monde du Bouddha, la terre pure de la lumière sereine. 

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