Question n° 9

Les dix-huit domaines

Question

Gérard pourrais-tu développer ce que sont les dix-huit domaines.

Réponse

Les 18 domaines comprennent les 6 racines et les 6 objets que nous venons de voir, auxquels viennent s'ajouter les six consciences. Nous allons donc analyser la relation racines/objets/consciences, puis nous récapitulerons succinctement les six consciences.

Dans le bouddhisme primitif on exprime l'idée que la conscience provient à la fois de la racine et de l'objet. Par exemple, nous trouvons l'expression « la conscience visuelle procède de l'œil et des couleurs » ou encore, « la conscience mentale procède du mental et des dharmas ». Cette façon de penser a progressé jusqu'au concept de la triple harmonie.

La triple harmonie est la combinaison instantanée et sans cesse renouvelée des racines des objets et des consciences. Ce que nous appelons « existence » est à chaque instant le résultat de cette triple rencontre entre un environnement (l'objet) des organes perceptifs (les racines) et un sujet qui perçoit (la conscience). Nous ne pouvons imaginer l'existence s'il manquait un seul de ces éléments fondamentaux ou si leur combinaison était imparfaite. C'est pourquoi on emploie le terme harmonie.

Les six consciences sont premièrement la conscience visuelle ; c'est le discernement et la compréhension de ce que l'œil perçoit.

Deuxièmement la conscience auditive ; c'est le discernement et la compréhension de ce que L’ouïe perçoit.

Troisièmement, la conscience olfactive ; c'est le discernement et la compréhension de ce que l'odorat perçoit.

Quatrièmement, la conscience gustative ; c'est le discernement et la compréhension de ce que la langue perçoit.

Cinquièmement, la conscience corporelle ; c'est le discernement et la compréhension de ce que le corps perçoit.

Sixièmement, la conscience mentale ; c'est le discernement et la compréhension de ce que le mental perçoit.

Le bouddhisme s'est intéressé à analyser les rapports existants entre le mental et les domaines des six consciences. Pour résumer on peut dire qu'il ne s'agit pas d'objets distincts. Les six consciences représentent une activité du mental présente et immédiate. Ses prises de conscience des perceptions visuelles auditives etc. ne s'exercent que dans l'instant présent et une fois cette activité effectuée, l'instant appartient au passé et le résultat de l'opération des six consciences est venu s'ajouter au mental. Il n'y a donc qu'une différence que nous qualifions de temporelle entre les six consciences et le mental.

En fin de compte, le processus de cognition par lequel nous prenons conscience de ce qui nous entoure et qui, en définitive, est le socle de notre illusion, est le suivant : un objet (un son, une odeur, une image) pénètre dans notre champ de perception. Notre racine appropriée (la vue, l’odorat etc.) la perçoit. Nous la conceptualisons en lui apposant un nom. Ensuite, nous réagissons (on aime ou on n’aime pas) et, finalement, nous en prenons conscience.

Le courant du Rien que conscience a explicité l'existence d'une septième conscience. Cette septième conscience, siège de l’ego, de l’illusion du moi, a également pour support le mental qui dans le même temps où il détermine les six consciences produit cette prise de conscience extrêmement puissante de l'existence individualisée, de l’ego, source de nos limitations et de nos souffrances. Le dépassement de cet attachement à l'ego procure l'apaisement de la sagesse d'égalité qui consiste à percevoir de façon égale soi et autrui, l'intérieur et l'extérieur. 

Cette sagesse est le fruit de la pratique de Nam Myōhōrengekyō.

En effet, le chapitre des œuvres et vertus des maîtres du Dharma énonce :

« Si un fils de bien, ou une fille de bien, reçoit et garde ce Sutra du Lotus, si le lit, le récite, l'explique, le copie, cette personne obtiendra huit-cents bienfaits pour l'œil, mille deux-cents bienfaits pour l'oreille, huit-cents bienfaits pour le nez, mille deux-cents bienfaits pour la langue, huit-cents bienfaits pour le corps, mille deux-cents bienfaits pour le mental ; elle parera de ses bienfaits ses six organes sensoriels et les purifiera tous. Ce fils de bien, ou cette fille de bien, avec l'œil charnel engendré par ses parents une fois purifié, verra tous les monts, les forêts, les fleuves, les mers à l'intérieur et à l'extérieur du monde tricosmique, jusqu'à l'enfer sans intermittence vers le bas et aux Dieux du faîte de l'être vers le haut ; il verra aussi l'ensemble des êtres qui s'y trouvent, ainsi que les endroits où ils renaîtront selon les fruits et rétributions conditionnées par leurs actes. De tout cela il aura vision et savoir pleins et entiers ».

Dans la Transmission orale de la doctrine, Nichiren Daishōnin dit :

« Les Maîtres du Dharma sont au nombre de cinq ; leur bienfait est la rétribution de la purification des six racines. En fait, à présent, Nichiren et les siens qui, avec respect, récitent Nam Myōhōrengekyō obtiennent la purification des six racines ».

Plus loin, il dit :

« Le bienfait, c’est la bouddhéité dès ce corps, la purification des six racines ».

Lorsque nos six racines sont purifiées, alors nous percevons le véritable aspect des dharmas et il y a fusion entre le sujet et l’objet, entre ce que nous percevons et ce qui est perçu.

Enfin de compte, le trinôme « agrégats-entrées-domaines » désigne l’ensemble du phénoménal, y compris nos illusions, ces illusions omniprésentes qui nous empêchent de percevoir l’aspect réel des phénomènes. Nous sommes en effet des êtres ordinaires, plongés dans l’obscurité fondamentale, en raison des mauvaises passions alimentées par les trois poisons de la colère, la cupidité et la stupidité. Il fallut douze ans de mortifications ininterrompues à Shakyamuni pour qu’il se libère de cette obscurité et s’éveille de l’illusion. Le grand maître du Tendai également, se livra à des pratiques extraordinaires à nos yeux pour observer son cœur et y découvrir le principe d’Une pensée trois mille, chose qu’il nous est absolument impossible de réaliser. C’est pourquoi, Nichiren Daishōnin révéla le Dai Gohonzon au sujet duquel il écrivit dans le Traité sur le Honzon :

« Pour ceux qui ne connaissent pas Une pensée Trois Mille, le Bouddha fit preuve d'une grande compassion et enveloppa cette perle dans ces cinq idéogrammes qu’l accrocha au cou des êtres infantiles de la Fin du Dharma ».

Ces êtres infantiles que nous sommes n’avons aucune sagesse et sommes incapables de percevoir ce qu’est la Gohonzon. C’est pourquoi, dans la Réponse à Messire Soya entré dans la voie, Nichiren Daishōnin écrit :

« Chaque idéogramme de ce Sutra est un bouddha vivant à l’éveil merveilleux. Cependant, les gens ordinaires comme nous, qui voyons les choses par le biais de nos yeux de chair, ne voyons que des idéogrammes. Par exemple, les esprits affamés perçoivent l'eau du Gange comme du feu. Les humains la voient comme de l’eau. Les êtres célestes, voient l'eau du fleuve comme un nectar. Ainsi, l’eau est toujours la même, mais peut être perçue sous des formes complètement différentes selon la rétribution causale. Les aveugles ne voient pas ce sutra, les êtres dotés des yeux de chair voient des idéogrammes, les deux véhicules y voient la vacuité, les bodhisattvas une infinité de doctrines, tandis qu’un Bouddha voit en chaque idéogramme le vénéré Shakya de la couleur de l’or ».

Heureusement, nous avons un palliatif à cet aveuglement, à ce manque de sagesse, qui nous empêche de voir le véritable aspect du Gohonzon, donc le véritable aspect des dharmas. C’est la foi. En effet, dans la Transmission orale de la doctrine, Nichiren Daishōnin dit « le mot foi est le sabre affuté qui élimine l’obscurité fondamentale. Ne pas avoir de doute s’appelle "la foi" ».

Dès lors, si nous avons la foi que ce Gohonzon est le triple corps du Bouddha, le véritable aspect des choses, alors nous percevons le véritable aspect des choses, il y a fusion parfaite entre l’objet et le sujet (Kyōchi Myōgō) et nous devenons Bouddha dès ce corps.

En ce qui concerne cette relation entre l’objet, et le sujet, le grand maître Miao-lè disait :

« Même si l’aspiration à la bouddhéité n'est pas sincère, si elle est associée à l’objet correct, les bienfaits seront néanmoins nombreux ».

Toutefois, je pense que cette phrase s’adresse aux débutants. Après quelques années de pratique, on doit être capable d’appréhender la véritable signification de la pratique.

Citant le passage « Ils désirent de tout cœur voir le Bouddha et n’épargnent pour cela ni leur corps, ni leur vie », extraite des stances Jiga du chapitre Durée de la vie du Sutra du Lotus, Nichiren Daishōnin écrivait au moine Gijō-bō :

« C’est par cette phrase que Nichiren manifeste le monde du Bouddha de son propre cœur ».

C’est donc également avec cette phrase que nous devons pratiquer. Lorsque chaque Daimoku que nous récitons est prononcé avec la seule pensée de « voir le Bouddha et pour cela n’épargner ni notre corps, ni notre vie », cette énergie de la foi et cette énergie de la pratique font alors apparaître en nous le pouvoir du Dharma et le pouvoir du Bouddha du Gohonzon. Il y a alors fusion entre l’objet (le Gohonzon) et le sujet (nous) et nous devenons Bouddha dès ce corps.

Or, voir le Bouddha fait partie de la Loi extra-mondaine des quatre voies saintes, tandis que la vie quotidienne fait partie de la loi mondaine des six voies. Dès lors, si pendant la pratique de Daimoku notre Une pensée est tournée vers nos soucis personnels, ce n’est plus le sens originel de Shōdai car, même si le désir de voir le Bouddha est présent, nous ménageons pour autant notre corps et notre vie et dès lors, le Bouddha et la multitude des moines ne peut apparaître.

Le monde est de plus en plus chaotique et peut exploser à tout moment. Conscients que nous, qui pratiquons l’enseignement correct de Nichiren Daishōnin sommes les seuls à pouvoir inverser cette tendance, nous devons à tout prix et plus que jamais nous investir corps et âme dans la pratique de Shōdai sans épargner ni notre corps, ni notre vie, dans l’esprit des corps différents animés du même cœur que Nichiren Daishōnin désirant de tout son cœur voir le Bouddha.

En tant que pratiquants de la Nichiren Shōshū, nous avons sous les yeux l’objet correct et même si nos motivations ne relèvent que du mondain, à savoir prier pour avoir la santé, de l’argent, un bon conjoint, notre foi nous fait pénétrer néanmoins dans l’extra mondain de la bouddhéité, comme le disait Miao-lè.

 

Ce n’est, à mon avis, toutefois pas suffisant pour faire shakubuku. Savoir expliquer pourquoi la Nichiren Shōshū est la seule école à enseigner la réalité et la pratique pour s’y éveiller est primordial dans la perspective de la Vaste propagation.

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