Question n° 6

Au sujet de la prière (suite)

Question

Lorsque nous, simples mortels, vivant dans l'illusion des Six premiers mondes (six mauvaises voies).

(Voie des enfers, voie des esprits affamés, voie des animaux, voie des Ashuras, voie des humains, voie céleste)

ne récitons Daimoku (Nam Myōhōrengekyō) que pour exaucer nos désirs, nous nous engageons dans la pratique de la prière et non de Shōdai.

Schématiquement, la prière c’est avant tout, demander à l’extérieur quelque chose.

  • Ce peut être de demander une grâce à un dieu, à une divinité.
  • Prier pour certains, ce peut être aussi l’élévation de l’âme vers dieu pour lui exprimer son adoration ou sa vénération.
  • Pour d’autres ce peut être un acte d’adoration de louange et de soumission à dieu.

 

Chacun fait un acte de foi, qui s'exprime par des prières qui sont un acte de foi.

Chez nous le terme est un mot japonais - Shōdai (réciter le Daimoku - Nam Myōhōrengekyō avec Foi).

Rappelons que pour nous il y a trois croyances concernant le Gohonzon.

  1. Le Gohonzon est le vrai Bouddha Nichiren Daishōnin.
  2. Le Gohonzon est la réalisation de l’éveil de Nichiren Daishōnin.
  3. Le Gohonzon est le seul chemin vers l’éveil pour nous, homme ordinaire.

 

Gérard pourrais-tu nous expliquer ce que c'est que Shodai pour nous pratiquant de la Nichiren Shôshû ?

Réponse

Lors de la première réunion, j’ai parlé de la prière disant, dans les grandes lignes qu’il n’y avait pas de prière dans le Bouddhisme, que la seule chose pour laquelle on pratique est l’atteinte de la bouddhéité avec, dans le processus de l’éveil, notre contribution à la vaste propagation.

On m’a alors fait remarquer que les parents d'un enfant gravement malade ne penseront naturellement qu'à l'enfant pendant la pratique, qui devient alors une prière et que pour toute personne sensible, c'est tout à fait normal.

Bien entendu, étant des humains ordinaires, beaucoup de choses heurtent notre sensibilité et les motifs de vouloir prier et demander de l’aide ou une guérison ne manquent pas. Je dirai même que parfois, c’est le seul moteur qui nous incite à pratiquer.

Nichiren Daishōnin lui-même priait. La plus célèbre de ses prières est sans doute la fameuse prière pour la pluie qui se déroula en 1271.

Depuis le mois de mai de cette même année, la sécheresse sévissait dans tout le pays et le peuple était à l’agonie. Le shogunat ordonna alors au moine Ryōkan, qui était vénéré comme un bouddha vivant par la population de l'époque, de célébrer la cérémonie de la pluie afin de calmer l'agitation publique, d'apporter un soulagement et, par la même occasion, de maintenir le prestige du shogunat.

En réponse, Ryōkan déclara devant de nombreuses personnes : "À partir du 18 juin et pendant sept jours, je prierai pour qu'il pleuve et je sauverai toutes les personnes sous le ciel".

Lorsque Nichiren Daishōnin fut informé de cela, il dit : « C'est une petite affaire de pouvoir ou non faire pleuvoir en priant pour la pluie, mais en cette occasion, qu'il soit connu de tous que seul l’enseignement de Nichiren rend la prière possible. Il appartient aux gens d’y croire ou non ».

Ryōkan comptait plus de cent vingt disciples, et des prières frénétiques commencèrent. Certains récitaient le Nenbutsu, d’autres lisaient les Sutras, certains même lurent le Sutra du Lotus.

Cependant, même après quarante-cinq jours, il n'y eu aucun signe de pluie. Ils commencèrent donc à paniquer et mobilisèrent des centaines de moines du temple Tahōji pour prier de toutes leurs forces, mais tout ce qu'ils obtinrent, ne fut que de la rosée - pas une seule goutte de pluie ne tomba.

Ryōkan, la mort dans l’âme dût reconnaître sa défaite. Alors, afin d'arracher le peuple à ce fléau, Nichiren Daishōnin, accompagné de Nikkō Shōnin, se rendit à l'étang de Tanabe-ga-ike. Là, ils entonnèrent la lecture des chapitres sacrés Hōben et Juryō, avant d'entonner le Daimoku. Soudain, le ciel auparavant si limpide s'obscurcit de nuages porteurs de pluie. Et en un clin d’œil, une averse bienfaisante se mit à ruisseler, désaltérant la terre assoiffée.

Pour Nichiren Daishōnin, faire pleuvoir ne représentait pas un problème, d’autant plus, que même la célèbre poétesse Izumi Shikibu, une femme connue pour la légèreté de ses mœurs, mariée à plusieurs reprises et recevant les faveurs de nombreux hommes, fit pleuvoir en récitant un poème composé de trente et un mots : « Notre pays est appelé le soleil levant, il est donc logique que le soleil brille. Mais on dit aussi que le ciel (la pluie) est en dessous de nous, et qu'il serait donc bon qu'il pleuve ». Et même Nōin Hōshi, un moine connu pour ne pas respecter les préceptes, aurait fait pleuvoir avec son haïku : « Faites couler l'eau des fleuves célestes sur le semis et laissez-la tomber sur la terre. Si c'est un dieu qui descend du ciel et qui fait pleuvoir, alors c'est ce dieu-là... ».

Mais comment Nichiren Daishōnin priait-il ? Bien entendu, il récitait Daimoku, mais intérieurement, il ne s’adressait pas à une force extérieure en disant « s’il vous plaît Gohonzon, faites qu’il pleuve » ! D’abord, en 1271, il n’y avait pas de Gohonzon. Et de toute façon, le Gohonzon n’est pas un Dieu ou un Saint à qui l’on demande une faveur. Il ne s’adressait pas non plus aux divinités en les suppliant « Brahma, Indra, s’il vous plaît, que mon vœu soit exaucé ».

Lorsque Nichiren Daishōnin parle de prière, il emploie toujours le terme "dire". En effet, dans la Réponse à Demoiselle Kyō-ō, il écrit :

« Ce qui est à déplorer, c'est le caractère éphémère de la vie ; il faut dire fortement aux Divinités qu'elles nous protègent ».

Dans le Traité sur la disparition des fautes par la réprimande des offenses au Dharma, il écrit :

« Quelle époque troublée que ce soit, je dis au Sutra du Lotus et aux dix Raksasi de protéger chacun de vous, avec une force à faire jaillir le feu d'un arbre humide ou l'eau d'une terre asséchée ».

Dans le Traité sur la prière il écrit :

« Si vous dites avec force le désir d'obtenir un profit particulier, pour quelle raison votre prière ne se-rait-elle pas exaucée » ?

Ces passages établissent clairement la différence entre la prière et la récitation du Daimoku. "Dire" en récitant le Daimoku est absolument impossible. Pour cette raison également, il faut faire la part des choses entre la récitation du Daimoku et la prière. C'est pour cela, que dans le Gongyō de la Nichiren Shōshū, l'expression de ses prières est faite en règle générale lors de la quatrième assise.

Il est affligeant et dommage de voir des personnes récitant uniquement un Daimoku de prière, fondé sur les désirs appartenant aux six voies, pratique bien inférieure à la pratique originelle de la voie du Bouddha qu'est la récitation du Daimoku. Dans la Réponse Messire Matsuno, nous lisons :

« Les laïcs doivent réciter Nam Myōhōrengekyō le jour, la nuit, le matin, le soir sans avoir d'autre pensée… »

Dans le Traité sur la merveille de la cause originelle, il écrit :

« Lorsque l'on récite Nam Myōhōrengekyō sans avoir d'autre pensée, avec une foi infrangible, le corps de l'être ordinaire est identique au corps du Bouddha ».

Prêtons attention à l'expression "sans avoir d'autre pensée". La Une pensée qui n'est pas celle de la "foi" est une "autre pensée". Si on concentre toute sa "foi", les autres pensées disparaissent.

La Sōka Gakkai a largement dévoyé la notion de prière dans le bouddhisme en réduisant le Daimoku à une simple formule magique qui exauce tous les souhaits mondains et le Gohonzon à un vulgaire gri-gri. La preuve en est l’expression « envoyer Daimoku », inventée de toutes pièces par Daisaku Ikeda et qui montre à quel point il était ignorant du Bouddhisme.

Nichiren Daishōnin dans le traité sur le Daimoku du Sutra du Lotus écrit :

« Quand vous récitez le Daimoku de ce Sutra, vous devez prendre conscience que c’est une joie plus grande encore que celle d’un aveugle de naissance qui obtiendrait la vue et qui verrait son père et sa mère ; c’est aussi plus rare que de voir un homme être relâché et retrouver sa femme et ses enfants après avoir été capturé par de puissants ennemis ».

Il fait bien la distinction entre les désirs mondains de guérison etc. et le désir spirituel d’atteinte de la bouddhéité. Également, dans la Réponse au Nyūdō Toki, il écrit :

« La vie est limitée ; nous ne devons pas la ménager. Ce à quoi nous devons aspirer en fin de compte, c'est à la terre du Bouddha ».

Concrètement, en ce moment plus que jamais, alors que la guerre fait rage pratiquement partout, il est normal de souhaiter, voire de prier pour certains, pour la paix. Or, la paix, ce n’est pas Kōsen-rufu. Ce n’est pas parce qu’il y aura la paix que les gens seront débarrassés des trois poisons et des souffrances qu’ils provoquent. Par contre, si nous construisons la véritable terre du Bouddha, alors, la paix et la sérénité s’installeront de manière définitive.

 

Certes, il est peut-être difficile de dire à un pratiquant de fraiche date de pratiquer pour devenir Bouddha alors qu’il a des difficultés dans la vie. Mais la bouddhéité, c’est avoir un état de vie aussi fort que le Bouddha, inébranlable quoi qu’il advienne. Mais c’est là un des aspects de la bouddhéité ; lorsqu’on affronte la maladie, la récitation du Daimoku nous apporte la force vitale apte à vaincre la maladie. Il ne s'agit pas seulement d'un moyen de faire face aux problèmes qui se posent par le biais d’une prière, mais d'une étape qui permet d'approfondir sa foi grâce à cette expérience. C’est bien sûr, une attitude complètement différente de celle totalement erronée de la Sōka Gakkai, qui utilise la foi comme un moyen de satisfaire des désirs mondains. Il est également vrai que de nombreuses difficultés et obstacles surviennent même lorsqu’on est croyant. La question est alors de savoir comment nous réagissons à ce moment-là ? Pouvons-nous progresser sans être vaincus par les problèmes ? En outre, lorsque nous surmontons un problème, disons-nous simplement "Oh, c’est bien", ou sommes-nous reconnaissants envers les pouvoirs du Bouddha et du Dharma du Gohonzon et pouvons-nous utiliser cette gratitude dans notre pratique personnelle et la conversion d’autrui ? Cette attitude résulte d'une foi ordinaire et constante. Il est donc essentiel de continuer à effectuer fermement les Gongyō et récitation de Daimoku quotidiens. En fin de compte, le Daimoku que l’on récite doit être le Daimoku de la foi et non pas le Daimoku de la prière. 

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