Question
Qu'est ce que la foi dans le Gohonzon, comment la renforcer ? Et notamment comment s'émanciper de la probabilité rationnelle des évènements selon la loi mondaine pour envisager ce qui peut advenir parce qu'on pratique ce bouddhisme ?
La réponse à cette question peut être tirée du cœur des enseignements de Nichiren Daishōnin, qui repose sur la foi, la pratique et l’étude. Nous pouvons nous référer aux points suivants :
La rationalité séculière prend des décisions basées sur des données visibles, objectives et statistiques, tandis que le bouddhisme, basé sur l’éveil du Bouddha est uniquement subjectif, fondé sur la « loi de la Production conditionnée ». Selon la vision bouddhiste, le subjectif est comparable au corps tandis que l’objectif est comparable à l’ombre.
Dans les enseignements de Nichiren Daishōnin, il est enseigné que la croyance en Myōhōrengekyō (Le Gohonzon) peut produire des effets au-delà de la causalité rationnelle.
Dans la Transmission orale de la doctrine, il énonce :
« Les mondes des dharmas sont le Dharma merveilleux (Myōhō). Les mondes des dharmas sont la fleur de lotus (renge). Les mondes des dharmas sont le Sutra (kyō). »
Commentant ce passage, le 67ème grand Patriarche Nikken Shōnin disait :
« Cette phrase signifie qu’au sein des mondes des dharmas, toutes les existences sont le Dharma merveilleux, autrement dit « Myō ». Aux yeux du Bouddha, les mondes des dharmas, c’est-à-dire l’intégralité de toute existence, possède la signification de Myō et contient des vérités profondes et des valeurs infinies.
À partir de notre vision d’êtres ordinaires, nous nous attachons à ce que nous avons sous les yeux et, progressivement, nous oublions la signification vaste et profonde de Myō. De sorte que nous possédons une vision extrêmement étriquée et tendancieuse de la vie.
C’est là l’origine de nos diverses souffrances et malheurs et c’est également la raison pour laquelle nous ne pouvons y apporter de solutions. On comprend alors l’importance de connaître Myō. Puisque Myō revêt des significations infiniment profondes, il faut savoir que pour enseigner le sens de « Myō », il est indispensable d’emprunter la logique que le Bouddha lui-même utilisa pour l’enseigner.
Bien que j’aie utilisé le mot « connaître », il faut également savoir qu’en réalité, il nous est impossible, êtres ordinaires que nous sommes, de connaître la signification de Myō. Cependant, dans une certaine mesure, une logique méthodique alliée à la pratique de Myō, permet alors d’ancrer la signification de Myō dans notre vie et d’en faire apparaître clairement les œuvres et vertus ».
Nichiren Daishōnin ne dit-il pas dans le Daimoku de la Fleur du Dharma :
« Myō possède le sens de "renaissance".
Le but de la récitation de Daimoku est de faire renaître cette vie embrouillée dans l’illusion à sa forme originelle correcte, pure et puissante.
Dans le bouddhisme, il existe le concept de "transformation du Karma". Même si un problème est difficile à résoudre de manière rationnelle, la possibilité de changer la situation apparaît en récitant "Nam-Myōhōrengekyō".
Le développement de cette foi peut conduire à de nouvelles perspectives et intuitions qui vont au-delà des critères de décision quotidiens.
Selon Nichiren Daishōnin, le karma se divise en deux catégories : le karma indéterminé et le karma déterminé.
Le terme "Karma déterminé" fait référence aux actes passés, bons ou mauvais, dont les rétributions sont déterminées. En revanche, le terme "Karma indéterminé" désigne des actions dont les conséquences karmiques ne sont pas encore déterminées.
Dans son commentaire sur le passage du Sutra qui affirme : « Si une personne malade entend ce Sutra, sa maladie sera dissipée ; elle ne vieillira pas et ne mourra pas », Nichikan Shōnin identifie trois types d'actions à l'origine du karma indéterminé, ainsi que deux types d'actions responsables du karma déterminé.
Les actions à l’origine du Karma indéterminé sont
Actes conformes à la volonté du Souverain.
Actes suggérés par autrui.
Comportements typiques des enfants de deux à trois ans.
Les actions responsables du Karma déterminé sont
Perpétrer des actions néfastes en ayant pleinement conscience de leur caractère malveillant.
Actions basées sur la confusion entre le bien et le mal.
Dans le Gosho Prolonger le karma déterminé, Nichiren Daishōnin assure que le grand remède du Sutra du Lotus efface même le karma déterminé.
Si nous prenons comme base de réflexion les dix Ainsi, en réalité, ce que nous nommons « karma » est la rétribution (Nyoze hō). La cause karmique de cette rétribution est la production (Nyoze sa). Cette cause karmique elle-même est générée par l’énergie (Nyoze riki). Une énergie négative, engendrera une action négative, constituant la cause négative, les conditions négatives, les effets négatifs et la rétribution négative que nous appelons karma négatif.
A l’inverse, une énergie positive engendrera une action positive et ainsi de suite, jusqu’à la rétribution positive.
Dès lors, si nous désirons transformer notre karma, il « suffit » de changer ses énergies négatives en énergies positives.
Les meilleures énergies sont l’énergie de la foi dans le Dai Gohonzon et l’énergie de la pratique sur la base de cette foi dans le Gohonzon. Alors, la force du Bouddha et la force du Dharma alimenteront la nature du Bouddha présente en notre esprit et nous deviendrons Bouddha dès ce corps.
Dans ses Gosho, Nichiren Daishōnin souligne à plusieurs reprises que "la foi est ce qui est le plus important" .
Dans la Transmission orale de la doctrine, il dit : « La foi est le sabre affûté qui tranche l’obscurité fondamentale ».
La foi commence par la pratique, sans douter des résultats. Toujours dans la Transmission orale de la doctrine, il dit aussi, « être libéré du doute s’appelle "la foi" ».
Par exemple, si vous êtes confronté à une situation difficile, le fait d'aborder le problème en récitant "Nam-Myōhōrengekyō" peut faire évoluer les choses dans une direction inattendue.
Il ne s’agit nullement de miracles ; Nam-Myōhōrengekyō n’est pas une formule magique, ni une pseudo « loi de l’univers ». Les Notes prises à l’écoute des cours de Nikō indiquent :
« Nam-Myōhōrengekyō est la connaissance du véritable aspect ».
C’est pourquoi, Dans le Traité sur le Sens de la substance, Nichiren Daishōnin écrit :
"Celui qui, honnêtement, rejette les moyens, a uniquement foi dans le Sutra de la Fleur du Dharma et récite Nam Myōhōrengekyō, voit les trois voies des mauvaises passions, du karma et de la souffrance se transformer en trois vertus de corps de dharma, sagesse et libération. Les trois visions et les trois vérités apparaissent en son cœur. Le lieu où demeure cet homme est la terre de la lumière toujours sereine".
Pour comprendre le pouvoir de la foi, il est important de la mettre en pratique et d'en voir les effets.
Selon les enseignements de Nichiren Daishōnin, "la foi s'approfondit par l'expérience". En continuant à pratiquer Shōdai et étudier le Gosho et en acquérant une conviction par l'expérience, nous pouvons penser au-delà des limites de la probabilité rationnelle.
Dans le Traité sur la prière, Nichiren Daishōnin affirme :
« Même si on visait la terre et qu’on la ratait, même si quelqu’un était capable de relier le vide spatial, même si les marées cessaient de monter et de descendre, même si le soleil se levait à l'ouest, les prières du pratiquant du Sutra du Lotus ne sauraient rester sans réponse. Si pas même un seul sur mille des différents bodhisattvas, des humains et des cieux, des huit catégories d’êtres, des deux saints, des deux cieux, des dix Rakshasa, ne vient protéger le pratiquant du Sutra du Lotus, cela constituerait la faute d’insulter Shakyamuni et tous les Bouddhas et de tromper les neuf mondes. Même si le pratiquant n'est pas sincère, même s'il n'a pas de sagesse, même s'il est stupide, même si son corps est impur, même s'il ne respecte pas les préceptes et manque de vertus, s'il récite Nam-Myōhōrengekyō, ils le protégeront infailliblement ».
Récitation de Daimoku : La récitation de "Nam-Myōhōrengekyō" purifie nos six racines et donne la force d'affronter les difficultés.
Étudier le Gosho :En étudiant les lettres et les traités de Nichiren Daishōnin et en les appliquant à notre propre vie, nous pouvons réaliser le pouvoir du Dharma du Bouddha.
Interaction avec les camarades :Partager ses expériences et s'encourager mutuellement avec d'autres croyants permet d'approfondir sa foi.
Cette façon de penser au-delà des probabilités rationnelles vient naturellement de la foi et de la pratique. "Agir d'abord" est le premier pas vers cette liberté.
Par ailleurs, la question de départ met en lumière une tension intéressante entre deux cadres de pensée : la rationalité cartésienne, qui se fonde sur la raison et les lois logiques, et la spiritualité bouddhiste, qui invite à transcender ces cadres pour appréhender une réalité plus vaste.
La pensée cartésienne repose sur le doute méthodique et une confiance dans les capacités rationnelles de l’esprit à comprendre le monde. Elle tend à rechercher des vérités objectives et mesurables, souvent à travers des lois causales et probabilistes.
Le bouddhisme, en revanche, explore des dimensions plus subtiles de la réalité, notamment l’interdépendance (la loi de cause à effet karmique), l’impermanence et la nature illusoire de l’ego. Cette approche dépasse souvent le champ de la logique rationnelle pour inclure des expériences spirituelles et intuitives.
Si la pensée cartésienne peut offrir un cadre rassurant et structuré, elle risque de devenir un "handicap" dans le contexte bouddhiste si elle est utilisée comme seule grille d’interprétation. Par exemple :
L’impermanence et l’interdépendance : Ces concepts échappent souvent à l’analyse rationnelle car ils impliquent une compréhension intuitive du flux constant de la vie.
La foi et la pratique : Dans le bouddhisme, la pratique (récitation de Mantras, méditation) est une expérience directe qui transcende les probabilités rationnelles. La transformation intérieure obtenue par la pratique peut sembler illogique pour une pensée strictement cartésienne.
La non-dualité de la matière et de l’esprit : Pour le Bouddhisme, la matière et l’esprit sont non-duels, dans la mesure où la matière n’est que le reflet de l’esprit. Le Dualisme classique et cartésien, quant à lui, établit une séparation ferme entre la matière et l’esprit puisqu’ils concernent respectivement le champs physique et le domaine du mental. Platon affirme ainsi qu’il existe une discontinuité entre le monde sensible et le monde des idées. La théorie de Descartes va dans le même sens que celle de Platon. Il rajoute cependant que l’Homme est à la fois matière et esprit, bien que ces deux éléments soient indépendants.
Cependant, il ne s’agit pas nécessairement d’un conflit insurmontable. La pensée rationnelle peut enrichir la compréhension du bouddhisme si elle est mise au service de l’introspection et de l’analyse des enseignements. À l’inverse, le bouddhisme peut offrir des outils pour dépasser les limitations du rationalisme.
En pratique, s’émanciper de la « probabilité rationnelle » implique d’accepter que la pratique bouddhique ouvre des potentialités nouvelles, souvent imprévues, en alignant l’individu avec la loi universelle de l’interdépendance. Cette foi dans l’efficacité de la pratique transcende les lois mondaines sans pour autant les renier.
Comme le dit Nichiren Daishōnin dans les Difficultés et facilités des sutras et du Sutra du Lotus, « La Loi du Bouddha est le corps et le monde est son ombre ».
C’est pourquoi, dans le Traité sur le Honzon de la contemplation de l’esprit, il précise :
« Lorsque le ciel est dégagé, la terre est claire ; celui qui connaît la Fleur du Dharma acquiert la loi mondaine » .
Cette affirmation est unilatérale : celui qui saisit les principes du bouddhisme comprend les mécanismes de la loi mondaine, mais l'inverse n'est pas vrai.