Juin 2015

Lettre à Misawa

(Misawa shô -三澤鈔)

23ème jour du 2ème mois de la 4ème année de Kôan       57 ans

 

Ceux qui étudient l’enseignement du Bouddha sont plus nombreux que les grains de la terre réduite en poussière, mais ceux qui deviennent véritablement Bouddha sont moins nombreux que la terre que l’on peut poser sur un ongle. C’est ce qu’à clairement enseigné le vénéré du monde au grand éveil dans le Sutra du Nirvana.

Je suis très heureux d’avoir pu, avec vous, venus nombreux, exprimer ensemble notre gratitude envers la bienfaisance de notre fondateur Nichiren Daishônin, à l’occasion de la cérémonie de Okô du mois de juin.

Le temps passant vite, nous sommes sur le point passer le cap de la moitié de l’année.

Le temps écoulé ne peut pas se rattraper. Bien sûr, il est important de jeter un regard sur son passé. Toutefois, si c’est pour s’attacher à ce passé et être incapable d’aller de l’avant, ça n’a aucun sens. Il faut que tout soit utile pour ce qui va se passer à partir de maintenant.

A présent, l’important est que chacun progresse avec courage et sérieux au cours du reste de l’année après avoir effectué une réflexion sur sa foi et sa pratique, afin de corriger ce qu’il y a à corriger et développer les point positifs.

En particulier, le mois prochain sera le mois de la pratique de la récitation de Daimoku. Efforçons nous tous avec joie dans cette pratique de Daimoku, sous la direction du Grand Patriarche Nichinyo Shônin.

Ceci dit, le passage du Gosho de ce mois est extrait de la Lettre à Misawa.

Cette lettre, écrite à Minobu par Nichiren Daishônin le 23ème jour du 2ème mois de la 4ème année de Kenji (1278), fut adressée à Misawa Kojirô qui habitait à 6 km au sud du temple principal Taisekiji (selon une autre thèse, elle aurait été adressée à son petit fils Masahiro).

Au mois d’octobre 1971 (46ème année de Shôwa), le 66ème Grand Patriarche Nittatsu Shônin donna un enseignement au sujet du destinataire de cette lettre. Je vais le citer :

« Il est établi que la Lettre à Misawa fut adressée à Misawa Kojirô. Or, il y a juste une semaine, j’ai découvert un texte ancien selon lequel ce n’était pas le cas. (…) La lettre à Misawa était en fait adressée à Misawa Masahiro, petit fils de Kojirô. Il serait donc bon de considérer la chose de cette façon ».

Le document découvert par Nittatsu Shônin, fait état d’une description de Misawa Kojirô. En 1189, ce dernier suivit Minamoto no Yoritomo avec qui il accompli des exploits dans la lutte pour soumettre le clan des Fujiwara. Il accomplit en outre d’autres exploits guerriers au cours de l’expédition punitive de 1200 contre le clan Kajiwara. Ces événements se sont déroulés 89 ans et 78 ans avant l’écriture de la Lettre à Misawa.

Fort de ces éléments, Nittatsu Shônin considéra que cette lettre ne pouvait pas être adressée à Kojirô qui, en 1278 aurait dépassé l’âge de cent ans, ce qui est impensable.

Par ailleurs, on ne dispose pas de détails sur la famille Misawa. Tout ce qu’on peut déduire à la lecture de ce Gosho est qu’ils ne possédaient pas une grande foi.

Aujourd’hui, le Santakuji (三澤寺), temple de la Nichiren Shû a été établi sur les vestiges de la demeure de la famille Misawa.

A présent comme d’habitude, je vais brièvement expliquer le Gosho dans son ensemble.

Au début, Nichiren Daishônin remercie le destinataire pour ses diverses offrandes.

Vient ensuite la partie contenant le passage de ce mois. Nichiren Daishônin, citant le Sutra du Nirvana explique que les gens qui étudient l’enseignement du Bouddha sont encore plus nombreux que les grains de poussière de cette terre, mais que ceux qui véritablement deviennent Bouddha sont aussi peu nombreux que la terre posée sur un ongle, montrant ainsi la difficulté de l’ascèse de la voie du Bouddha.

Les raisons sont les suivantes :

  • Impossibilité d’acquérir correctement l’enseignement du Bouddha en raison de la stupidité de son propre cœur.

  • ·         Impossibilité d’acquérir correctement l’enseignement du Bouddha en raison de l’altération de son propre cœur due à l’influence de mauvais maîtres, malgré une sagesse féconde.

  • ·         Même en rencontrant le maître correct, la foi est détruite par les trois obstacles et les quatre démons.

Nichiren Daishônin cite ces trois raisons.

Il explique ensuite qu’au sein des trois obstacles et des quatre démons, le plus grand obstacle démoniaque est le roi démon du sixième ciel.

Je vais à présent expliquer simplement les trois obstacles et les quatre démons.

Les trois obstacles sont les « obstacles des mauvaises passions » (jp. 煩悩障 - bonnô shô), les « obstacles des actes » (jp. 業障 - gô shô) et les « obstacles des rétributions » (jp. 報障 - hô shô).

Les « obstacles des mauvaises passions » sont constitués des mauvaises passions que sont la cupidité, la colère et la stupidité etc. qui viennent entraver l’ascèse de la voie du Bouddha.

Les « obstacles des actes » sont provoqués par les cinq crimes de rébellion et les dix mauvaises actions et se manifestent sous la forme des obstacles à la pratique de l’ascèse par la femme (le mari) et les enfants.

Les « obstacles des rétributions » sont les entraves causées par le souverain et les parents, dues à la rétribution des mauvais actes (karma) du passé.

Ensuite, les quatre démons sont le « démon des mauvaises passions » (jp. 煩悩魔 - bonnô ma), le « démon des agrégats » (jp. 陰魔 - onma), le « démon de la mort » (jp. 死魔 - shima) et le « démon céleste » (jp. 天子魔 - tenjima).

Ce qu’on appelle « démon » n’est pas un être mystérieux. Il faut comprendre cette notion comme une fonction, une action.

Le « démon des mauvaises passions » provoque et développe les mauvaises passions des trois égarements qui dépossèdent de la sagesse le pratiquant de la voie du Bouddha.

Le « démon des agrégats » perturbe l’harmonie des cinq éléments constituant le corps et l’esprit et entrave la voie du Bouddha. Les cinq agrégats sont la forme, la perception, la conception, la volition et la conscience.

Le « démon de la mort » est l’arrêt de l’ascèse par le pratiquant lui-même en raison de sa propre mort. C’est aussi la fonction d’éveiller le doute chez les autres en raison de la mort du pratiquant.

Le dernier, le « démon céleste » désigne le roi démon qui demeure dans le ciel où l’on jouit librement de la création des autres, sixième ciel du monde des désirs. C’est pourquoi il est également appelé roi démon du sixième ciel. Il entrave la réalisation de la voie du Bouddha en dépossédant l’énergie du pratiquant et s’en réjouit. C’est le démon fondamental qui provoque la manifestation de tous les obstacles et démons.

Je reviens au contenu du Gosho.

Nichiren Daishônin indique ensuite que dans la Fin du Dharma, les grandes difficultés dues au roi démon du sixième ciel sont cent, mille, dix mille, cent millions de fois plus graves que celles se manifestant à l’époque du Bouddha Śākyamuni. Toutefois, s’il n’avait pas révélé l’enseignement correct tout en sachant que le pays court à sa ruine il aurait été le grand ennemi juré du vénéré Śākya. C’est pourquoi, résolu aux persécutions, il s’efforça à propager l’enseignement et rencontra toutes les grandes difficultés telles qu’elles sont prédites dans le sutra.

Il ajoute ensuite que la famille Misawa ayant protégé le corps et la vie du Bouddha originel Nichiren Daishônin, il leur assure que dès lors, quoi qu’il arrive, ses membres deviendront infailliblement Bouddhas, montrant ainsi sa compassion de Bouddha originel.

Ce que Nichiren Daishônin explique ensuite est la différence existant au sein de sa doctrine avant l’exil à Sado et après l’exil.

Après la persécution à Tatsunokuchi, une fois exilé à Sado, il parla pour la première fois à ses disciples d’une doctrine confidentielle que Kāśyapa, Ananda, les grands maîtres des traités et les grands maîtres hommes tinrent secrète dans leur cœur et ne dévoilèrent pas.

Nichiren Daishônin affirme qu’une fois cette doctrine révélée, celles des maîtres des traités et des maîtres hommes des périodes de la Rectitude et de la Semblance du Dharma devienne semblable aux étoiles une fois que le soleil s’est levé. Alors, les bienfaits des statues de Bouddhas et des moines des temples et des pagodes s’effaceront, seul ce grand Dharma sera propagé dans le monde.

Il évoque ensuite son refus d’accorder une entrevue à la nonne d’Utsubusa qui lui avait rendu visite au détour d’un pèlerinage au temple dédié à la divinité tutélaire de sa famille.

Je vous lis directement ce passage.

« Malgré son grand âge, la nonne d’Utsubusa est venue jusqu’à Minobu. Elle est sans doute à plaindre, mais dans la mesure où elle est venue à l’occasion d’une visite au Dieu tutélaire, si je l’avais reçue, j’aurais sans doute aggravé sa faute. En effet, les dieux sont les vassaux du Sutra du Lotus. Même au niveau mondain, on ne comprendrait pas qu’on profite de l’occasion d’aller voir un vassal pour rencontrer le souverain. En outre, comme elle est devenue nonne, il convient de donner la priorité au Bouddha ».

Pour la même raison que pour la nonne d’Utsubusa, ceux qui se sont rendus à Minobu profitant de l’occasion d’aller aux sources chaudes de Shimobe ne purent rencontrer Nichiren Daishônin.

Cette directive doit être considérée comme un principe éternel en ce qui concerne notre visite au temple principal et ne jamais être oubliée. Une foi pure, un esprit de gratitude et de recherche de la voie sont essentiels lorsque l’on fait Tozan.

Nichiren Daishônin termine sa lettre en disant que le Shingon est un enseignement nuisible qui, en particulier, détruit les Nations telles que le Japon ou la Chine. En effet, en raison de la prise de refuge des dirigeants du pays dans le mauvais enseignement du Shingon, le Japon est sur le point d’être détruit. Les épidémies qui sévissent en sont les présages.

Je vais à présent commenter l’extrait du mois.

Ceux qui étudient l’enseignement du Bouddha sont plus nombreux que les grains de la terre réduite en poussière, mais ceux qui deviennent véritablement Bouddha sont moins nombreux que la terre que l’on peut poser sur un ongle. C’est ce qu’à clairement enseigné le vénéré du monde au grand éveil dans le Sutra du Nirvana.

Comme je l’ai dit, il s’agit d’une citation du Sutra du Nirvana, contant la difficulté de devenir Bouddha.

Qu’est-ce qui est important dans le bouddhisme ? Il ne s’agit nullement d’une simple accumulation de connaissances, mais d’avoir foi dans le Bouddha et de pratiquer son enseignement.

La famille Misawa aussi, pratiquait. Mais c’était sans enthousiasme. C’est pourquoi cette lettre lui a été adressée à titre d’encouragement à s’efforcer dans la pratique sans craindre les trois obstacles et les quatre démons.

Malheureusement, on ne devient pas Bouddha uniquement par les connaissances. On aura beau lire de nombreux sutras, les livres de commentaires, sans la pratique, qui consiste en la foi et l’ascèse, cette sagesse ne peut être exploitée.

Par ailleurs, si l’on est centré sur « l’étude », il arrive souvent que l’on courre le danger de tomber dans les interprétations personnelles. On lit les sutras à sa guise, on interprète à sa manière le Gosho et même si l’on dit « comprendre l’enseignement de Nichiren Daishônin », ce n’est alors que de l’autosatisfaction et nullement une interprétation correcte.

Pour cette raison, dans la Nichiren Shôshû, on utilise depuis toujours les mots « un la foi, deux la pratique, trois l’étude ». Le plus important est « la foi ». Ensuite, vient « la pratique ». « L’étude » vient pour soutenir l’élévation et la progression de la « foi » et de la « pratique ».

Dans son Traité sur ce qui est enfoui au profond des phrases, Nichikan Shônin écrivait :

« Même si l’on a la foi, si l’on ne pratique pas, cela n’est pas encore acceptable. C’est pour quoi, dans les Notes sur le sens de l’Eveil de la foi, il est dit : "La foi sans la pratique implique que la foi n’est pas solide. Une foi d’où est absente la pratique régresse aisément à la rencontre de conditions ».

Par ailleurs, dans le cadre de notre pratique, nous rencontrons divers obstacles et difficultés. Si, dans ces moments, nous nous laissons vaincre et régressons, la pratique n’a alors plus aucune signification.

C’et justement lorsque nous faisons face à des difficultés qu’il est important d’avoir l’attitude de les surmonter en faisant preuve d’une grande force de la foi et d’une grande force de la pratique

Grâce au lien résiduel du passé, nous avons pu rencontrer l’enseignement de Nam Myôhôrengekyô difficile à rencontrer. En même temps que d’éprouver un sentiment de gratitude, efforçons nous alors dans la pratique personnelle et le salut d’autrui, sans craindre les trois obstacles et les quatre démons.

C’est par ces mots que j’achève mon sermon de Okô. Merci de votre visite au temple.

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